C'était bien là une de ces sottes idées qui affluaient dans la tête de Sylvain depuis qu'il avait rencontré Bella : faire construire et aménager une maison alors qu'il n'était même pas encore marié, qu'il avait un château à entretenir à Aupic, que celui de La Mure, pas si loin de Valence, était laissé aux mains d'un intendant mercenaire, et qu'il hériterait un jour des fiefs de Culan et Courtenay, bien pourvus en châteaux maisons nobles, sans parler du petit manoir de Baugy, de l'hôtel particulier de Vienne, de celui de Sémur, et de la maison de Paris. Anne ne rendait pas Bella responsable de la chose. Dans son esprit, Sylvain était le seul coupable.
Et non contents de faire étalage aux yeux du monde de sa relation illégitime, il invitait sa propre mère à venir la contempler de près.
Plus que jamais, Anne se mordait les doigts de n'avoir pas veillé de plus près à l'éducation de ses enfants. Mais le mal était fait, elle ne pouvait plus que ravaler sa rancœur envers elle-même, et offrir toute l'apparence de la bonne grâce.
Elle se rendit donc à l'invitation.
Et faillit dès l'arrivée demander à Bacchus de faire demi-tour : en matière de "maison", Sylvain avait fait des folies. Sa "maison" était un château à la mode du temps, bien plus fait pour l'agrément que pour la défense, bien que les architectes répugnassent encore à supprimer tout-à-fait les tours. Combien d'écus avait-il donc dépensés pour ce bijou ?
Elle eut un grand soupir et ordonna à Bacchus de l'annoncer.